J.O. 27 du 1 février 2007
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Mémoire en réplique présenté par les députés signataires du recours dirigé contre la loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique
NOR : CSCL0709944X
Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, les observations du Gouvernement sur la saisine du groupe socialiste de l'Assemblée nationale contre la loi ratifiant l'ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique et habilitant le Gouvernement à modifier les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement appellent la brève réplique suivante.
Sur les conditions d'adoption d'articles additionnels
au projet de loi initial
Le Gouvernement considère que cet article n'est pas dépourvu de lien avec les dispositions initialement contenues dans le projet de loi soumis à la première assemblée saisie, au prétexte qu'il affecte l'organisation de la profession de psychiatre, d'une part, et que l'objet principal de la loi est la ratification d'une ordonnance relative à l'organisation de certaines professions de santé, d'autre part.
Au-delà de cette affirmation, il n'apporte aucun véritable argument. En tout état de cause, l'habilitation prévue à cet article concerne un champ beaucoup plus vaste que l'organisation de la profession de psychiatre.
Les dispositions du projet de loi soumis initialement à l'Assemblée nationale en novembre 2005 permettaient uniquement de ratifier l'ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005, d'en compléter ou d'en rectifier certaines dispositions et de modifier certaines dispositions du code de la santé publique relatives à la profession de diététicien. En aucun cas, il n'était question de dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement. La volonté du Gouvernement de modifier les dispositions législatives relatives aux hospitalisations psychiatriques sans consentement n'est apparue qu'en juin 2006, au moment du dépôt au Sénat du projet de loi de prévention de la délinquance.
Le lien entre les adjonctions au projet de loi et les dispositions initiales ne s'apprécie pas par rapport au titre du projet de loi soumis, mais par rapport au contenu effectif des dispositions qui définit ainsi l'objet du projet de loi. L'absence de lien entre l'article 23, voté par l'Assemblée nationale puis par le Sénat, et l'objet des dispositions proposées dans le projet initial ne fait, de ce point de vue, aucun doute.
Sinon, il n'y avait aucune raison de compléter le titre de la loi par la mention : « et habilitant le Gouvernement à modifier les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement ». Cet ajout au titre de l'ensemble de la loi, adopté par le Sénat en première lecture et confirmé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, traduit finalement l'absence initiale de lien et vient confirmer que l'article 23 a été adopté dans des conditions contraires à la Constitution.
La censure de l'article 23 est donc certaine, comme par ailleurs celles d'autres articles de la loi, comme, indépendamment des éléments développés ci-dessous, le 24. Cet article , adopté en première lecture par le Sénat et confirmé en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, n'a pas de lien avec l'objet du texte déposé en première lecture sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il en sera de même par exemple pour l'article 25, qui modifie le code de la sécurité sociale.
Sur l'atteinte au principe constitutionnel
de protection de la santé
Dans ses observations, le Gouvernement reconnaît la validité des arguments des requérants sur l'atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé et d'accès aux soins qui résulterait de l'entrée en vigueur du secteur optionnel, par arrêté ministériel.
Ainsi, le Gouvernement affirme explicitement que ce « dispositif incitatif a pour but, d'un côté, de permettre à certains spécialistes de quitter le secteur 1 et, de l'autre, d'attirer ceux qui exercent en secteur 2 pour prodiguer leurs soins dans ce secteur optionnel ».
Pour la première fois, le Gouvernement explique donc quelles seront toutes les conséquences de la création d'un secteur optionnel. Pour reprendre ses propres termes, « l'effet qui en est attendu est double ». Certains spécialistes qui exercent en secteur 2 ou qui s'installent pourront faire le choix du secteur optionnel. D'autres pourront quitter le secteur 1 pour le secteur optionnel.
Dans ce dernier cas, il s'agit d'opérer un transfert des spécialistes d'un secteur à tarif opposable sans dépassement d'honoraires vers un secteur dont la caractéristique principale sera la pratique de dépassements encadrés d'honoraires.
Le Gouvernement explique qu'il y aura un développement de l'offre de soins à tarifs opposables en voulant faire croire que le secteur optionnel serait un secteur à tarifs opposables, alors qu'il s'agit d'un secteur à dépassements d'honoraires. Une telle confusion permet d'entretenir un certain flou sur les conséquences réelles pour les assurés sociaux de la mise en place du secteur optionnel.
Même si les dépassements sont encadrés, le secteur optionnel conduit donc à réduire la part du secteur à tarifs opposables par la mise en place au sein de notre système de protection sociale d'un nouveau secteur à honoraires supérieurs à ceux du secteur 1, pour lequel le reste à charge pour les assurés sociaux sera plus élevé.
L'objectif du secteur optionnel ne peut être considéré comme le moyen de préserver l'accès des assurés sociaux à des soins à tarifs opposables, voire de renforcer l'offre de soins à tarifs opposables, dans la mesure où il conduit à réduire la part de spécialistes installés en secteur 1 et à accroître la part de spécialistes exerçant dans le cadre d'un secteur où les dépassements d'honoraires sont autorisés. Le secteur optionnel conduit, en raison du double effet attendu par le Gouvernement lui-même dans ses observations, à une situation inverse.
L'accès aux soins pour tous et la protection de la santé sont inévitablement mis en cause par l'instauration du secteur optionnel. Une telle atteinte aux principes constitutionnels est d'autant plus forte que le Gouvernement, dans un premier temps, souhaite instaurer un secteur optionnel pour la chirurgie, spécialité où les soins sont souvent les plus lourds et les plus coûteux. L'article 24 ne peut donc qu'être déclaré contraire à la Constitution.